[INTERVIEW] Coup de coeur pour une chaine Youtube : Gorkab

2013-02-27-10.15.29Depuis que je suis gamin j’ai toujours eu de l’admiration pour les images de synthèse, aussi loin que je me souvienne, il y a des films qui m’ont marqué autant par la narration que par la technologie. Je prendrai pour exemple le fabuleux « Terminator 2 : judgement day » qui m’avait bluffé à l’époque, ou encore « le cobaye » qui me présentait un monde virtuel que j’imaginais alors pouvoir exister quelques années plus tard. Aujourd’hui les images de synthèse sont partout, que ce soit pour présenter des sujets abstraits ou pour copier le réel, dans des films d’animation, dans des shows télé, dans les publicités, partout. Après je ne savais pas vraiment dans quelles conditions elles ont été intégrées, quand, comment, … Et puis j’ai découvert la chaîne youtube de Gorkab, une chaîne qui explique comment sont apparues peu à peu sur nos écrans ces images, quelles sont les difficultés qui ont été rencontrées par les précurseurs, ceux qui y croyaient dur comme fer, et le truc fantastique c’est que Gorkab nous présente tout ça de façon dynamique et vraiment TRES bien documentée. La chaîne plaira aux adeptes des films d’animation et de SF, comme aux plus geeks d’entre nous … J’en ai appris plus sur les capacités d’une des machines formidables que j’ai eu la chance de voir « pour de vrai » au Science Museum de Londres, le CRAY

Nous avons eu la chance de pouvoir discuter un petit plus avec Gorkab pour vous en dire un peu plus sur lui et sur ce qu’il fait, afin bien évidemment de vous donner envie de voir ce qu’il fait …

Gorkab, peux-tu te présenter en quelques mots ?
10999392_10153055729211306_1761271629_oSalut ! Et bien je suis Gorkab, de mon vrai prénom Thomas, je suis journaliste et auteur de CGM, qui est l’acronyme de Computer Graphics in Movies, une émission qui traite des origines de l’image de synthèse au cinéma entre 1973 avec le film Westworld de Michael Crichton, et 1993 avec Jurassic Park de Steven Spielberg

Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire cette émission ? Un film en particulier ? L’envie de rétablir certains faits méconnus ?
Alors l’envie de faire cette émission a débuté il y a maintenant dix ans, lorsque j’avais eu à présenter un projet dans mes cours de cinéma que je suivais en fac d’anglais. À l’époque, cependant, c’était loin d’être une émission comme celle que j’ai débutée à l’été 2013, mais plus un projet de documentaire qui aurait mis toutes les scènes des films que j’avais trouvé, bout à bout, avec un commentaire audio décrivant la création de tous les effets présentés.

En 2005, c’était bien sûr beaucoup plus difficile que maintenant, particulièrement parce que les sources d’informations étaient beaucoup moins nombreuses, mais aussi parce que certains films n’étaient pas encore sortis en DVD, à l’image de LOOKER, un autre long-métrage de Michael Crichton, sorti en 1981, où le premier corps humain féminin avait été modélisé en images de synthèse. Fort heureusement, des fans avaient numérisé le LaserDisc du film sur Internet, et la scène que je recherchais était déjà disponible si l’on savait où chercher.

Après, je ne pense pas que ce soit un film en particulier qui m’a donné l’envie de m’y mettre. Je pense que j’étais fan d’image de synthèse depuis aussi loin que je puisse m’en rappeler, notamment grâce aux reportages de Canal+ au festival Imagina, mais aussi parce que Disney n’hésitait pas à expliquer à son jeune public comment ils avaient réalisé certains des effets de leurs dessins animés, dans de petits documentaires intégrés sur les VHS vendues dans le commerce.

Ma passion pour ce type d’effet spécial provient très certainement de là, mais je pense aussi que j’en avais marre qu’on ne parle tout le temps que d’Industrial Light & Magic  partout. Ils n’ont pas inventé l’image de synthèse, ni même les premiers animaux numériques, ou encore moins participé à la création de TRON, donc ça me semblait être une bonne idée que d’inviter le spectateur à voir au-delà des sempiternels articles élogieux sur ce seul et unique studio. Visiblement, ça à l’air de ne pas trop mal marcher j’ai l’impression !

Quelle est la vidéo qui t’a donné le plus mal ?
Au fur et à mesure de mon avancement dans les méandres du cinéma d’effets spéciaux, je pense qu’obtenir des informations devient de moins en moins difficile. J’ai de plus en plus de contacts dans le milieu qui sont prêts à m’aider, qui regardent et aiment ce que je fais, donc cette reconnaissance est plutôt appréciable pour ce que beaucoup autour de moi décrivent comme de l’archéologie cinématographique.
Néanmoins, j’ai beau être bilingue Anglais / Français, tous les films que j’ai recensé n’ont pas exclusivement été faits par des Américains ou des Européens, et je pense que c’est là que réside toute la difficulté. Mon neuvième épisode, qui traite des deux premiers animés japonais à avoir usé de l’image de synthèse, est probablement celui qui aura été le plus délicat à écrire à cause de ça. Certes, j’avais reçu l’aide deux amis traducteurs de japonais, mais les documents que je leur avais fournis demandaient tout de même un certain niveau de connaissance du milieu et qu’ils ne possédaient pas à ce moment-là. J’avais quelques restes d’études du Japonais à la fac, ainsi que l’expérience de nombreuses interviews réalisées pour le site Total Manga, mais c’est vraiment notre étroite collaboration qui m’aura permis de trouver toutes les informations que l’on peut voir dans cet épisode.

Ensuite, l’épisode qui m’a donné le plus de mal à réaliser, ce serait pour l’instant le numéro 11, puisque j’avais dû créer des éléments graphiques à partir de l’un des films traités, Explorers de Joe Dante. J’avais dû rotoscoper, c’est-à-dire découper un objet en mouvement dans une vidéo, un morceau de 3D qui tourne sur lui-même pendant 7 secondes, soit environ 170 images. C’était évidemment très long à faire, mais nécessaire pour bien expliquer que l’effet montré n’avait pas été fait d’un claquement de doigt, mais bien avec plusieurs passes, plusieurs assemblages de divers éléments rendus séparément.

J’ai depuis fait pire pour mon épisode 12, puisque tous les plans tournés sur fond vert chez Ginger Force, une chroniqueuse sur YouTube que j’avais invitée pour l’occasion, étaient brûlés. Mes programmes de montage ne distinguaient carrément plus la différence entre nos bras et le fond vert mal éclairé ! Et comme il m’était impossible de refaire le voyage en train jusqu’à chez elle, j’avais dû me résigner à nous rotoscoper partiellement sur quelque chose comme 2 minutes de vidéo, soit environ 3000 images. Une horreur qui donne cependant un aspect vintage, selon l’un de mes abonnés, quand ce n’est pas considéré comme un simple fond vert raté par d’autres. Mine de rien, c’est toujours de l’expérience, et c’est bon à prendre !

Quelles est la vidéo dont tu es le plus fier ? 
La vidéo dont je suis le plus fier, à l’heure où je réponds à cette interview, c’est clairement mon épisode 11 sur les films Explorers, de Joe Dante, et Young Sherlock Holmes (Le Secret de la Pyramide) de Barry Levinson. C’est simple, avec sept anciens des équipes des deux films, dont trois qui avaient joué le jeu de se filmer en vidéo pour faire l’introduction de l’épisode, c’est actuellement ma plus grande réussite pour CGM. Je vais essayer de surpasser ça dans les épisodes à venir, mais c’est clairement pas évident d’avoir autant de monde d’un seul coup comme ça !

Aujourd’hui les CG sont vraiment partout, penses-tu que l’animation traditionnelle a encore un avenir ?
L’animation traditionnelle continuera encore d’exister, je pense, tant que les artistes travailleront avec des crayons. Cependant, créer aujourd’hui un long-métrage d’animation uniquement avec de l’animation traditionnelle, sans l’aide d’images générées par ordinateur ou d’images dont la création est assistée par ordinateur, c’est très difficile voire même impossible. La masse de travail est juste trop importante pour quelque chose qui peut être fait avec une qualité comparable sur ordinateur. Que ce soit Disney avec La Princesse et la Grenouille, sorti en 2009, ou même les derniers films des studios Ghibli, il y a forcément l’outil ordinateur qui est utilisé à un moment ou un autre de la chaîne de production.

Cela n’empêche pas d’avoir des expérimentations de faites avec de l’image de synthèse pour singer l’animation traditionnelle et même aller au-delà de cette dernière. Je pense par exemple à un court-métrage émouvant, Paperman de Disney, qui était projeté avant Wreck-It Ralph en salles en 2012, ou encore le sublime Duet de Glen Keane, produit par Google en 2014. L’animation traditionnelle a vraiment été sauvée par l’image de synthèse à la fin des années 80, et je pense que les deux peuvent cohabiter s’ils sont intelligemment mêlés ensemble.


Paperman par Spi0n

Après le motion capture, on a le performance capture, tu vois comment le futur des CG ? Plus de photoréalisme ? Plus d’inventions ?
L’image de synthèse est en perpétuelle évolution. La performance capture utilisée directement sur les environnements de tournage de Dawn of the Planet of the Apes (La Planète des Singes : L’Affrontement), à savoir en milieu naturel et non constamment dans un studio fermé, représente clairement ce qu’on peut actuellement faire de mieux en termes d’intégration réaliste de l’image de synthèse pour un long-métrage avec des acteurs réels (http://wiki-fx.net/pages/dawn-of-the-planet-of-the-apes/).

Maintenant, je pense que ce sont des réalisateurs qui vont continuer à repousser les limites du possible à mesure que la technologie le leur permet. C’est grâce à James Cameron que le pseudopode d’Abyss a eu un tel impact à la sortie du film en 1989, c’est grâce à Brett Leonard sur son film The Lawnmower Man (Le Cobaye) que l’image de synthèse bon marché a commencé à être utilisée en 1992, c’est grâce à Robert Zemeckis sur Forrest Gump que les spectateurs ont commencé à perdre la notion de ce qu’était le réel de l’irréel et, plus récemment, c’est grâce à Alfonso Cuarón que l’on s’est pris au jeu de la gravité et en 3D !

L’image de synthèse, comme tout effet, n’est rien qu’un tour de magie. Et comme chaque tour de magie, c’est au magicien de nous émerveiller assez pour que l’on en oublie de regarder les ficelles. Il y a de bons magiciens, et il y a les autres, mais l’art du cinéma n’est-il pas avant tout déjà lui-même une illusion ?

Merci à Gorkab de nous avoir accordé ce moment !

Bien entendu, clem2k.com vous conseille d’aller voir (dans l’ordre si possible, ce qu’on a fait) la chaîne Youtube de Gorkab, vous allez apprendre pas mal de trucs, redécouvrir des films que vous avez sans doute adoré avec « commentaires techniques » et vous allez peut-être découvrir des bijoux du cinéma pas forcément connus … Nous étions passés à côté de « The Last Starfighter » et c’est chose réparée grâce à Gorkab 😉

http://YouTube.com/Gorkab
https://www.facebook.com/GorkabNitrix
https://twitter.com/Gorkab
https://www.tipeee.com/gorkab